Traverser la rivière en tâtant les pierres
Pour progresser, la ligne droite n'est pas toujours possible
Le mouvement que nous faisons jour après jour pour progresser vers nos objectifs n’est pas un long fleuve tranquille. La ligne droite n’est que rarement possible. En réalité, nous n’avançons jamais, je crois, que d’une manière instinctive, pas à pas.
Une maxime chinoise encapsule dans une image parlante ce mouvement d’avancée incertaine que j’essaie de décrire : Traverser la rivière en tâtant les pierres1. Qui ne se souvient d’avoir un jour franchi un cours d’eau à gué, en prenant appui avec difficulté sur un lit de pierres instables ? Il faut à chaque pas assurer son équilibre avant d’engager le pas suivant. Quand l’eau est trouble, ou profonde, le pied est seul maître et guide de la progression, il est au contact, c’est lui qui sent, donc qui sait.
On peut former des plans sophistiqués pour atteindre l’autre rive, mais en fin de compte, l’avancée ne se réalisera que par cette humble progression, à partir du sentir qui conditionne la prise d’élan et l’enjambée suivante. Ce traverser la rivière en tâtant les pierres dit que notre voie s’invente moins à partir d’un dessein général que d’une succession d’appuis et de paris, au plus proche des conditions rencontrées, et de nos capacités du moment.
Sans doute avons-nous besoin de fermer les yeux de temps à autre, pour se concentrer sur notre ressenti, percevoir différemment notre rapport au milieu, à l’environnement dont on participe, et ainsi « intuiter » les points d’appui qui vont nous permettre de cheminer et d’inventer la note d’après.
Ma source d’inspiration est le livre de Christine Cayol, Traverser la rivière en tâtant les pierres - Dix proverbes de la sagesse chinoise (éditions Tallandier).