En ces débuts d'année, rituellement, nous célébrons les commencements. L'ouverture d'un nouveau cycle. Et les voeux que nous adressons ont cette fonction un peu magique d'incantation à de meilleures divinités.
Que peut-on se souhaiter, collectivement, pour l'année qui vient ? Peut-être de réussir à renforcer nos liens, à enrichir nos relations, dans la vie, au travail, à tisser de l'intelligence commune, de la confiance, de la solidarité et de la joie.
Si l'on regarde le monde avec un peu de lucidité, aujourd'hui, on verra beaucoup d'éparpillement, de séparation, de repli dans des bulles sociales et cognitives qui ne communiquent plus, une déliaison (dont la perte du sens d'une vérité commune est le plus inquiétant symptôme) qui favorise un panurgisme aux relents de servitude volontaire. La banquise de nos sociétés a tendance à se déliter, et à nous faire dériver sur nos icebergs respectifs, avec nos petits drapeaux et nos identités de pacotille. Des marchands de peur, des vendeurs de vérités alternatives, des cyniques et des manipulateurs de toute farine prennent leurs aises dans ce marasme, pour accélérer le chaos dont ils savent tirer profit.
Souhaitons de ne pas nous résigner au cynisme qui gagne, au rejet de la différence, à l'abrutissement programmé, au nationalisme à front bas, au "après moi le déluge". Les équilibres du monde sont fragiles. L'histoire nous enseigne à quoi mène la montée des tensions, et que les armes que l'on fabrique à la chaîne seront un jour utilisées. Si "réarmement" il doit y avoir (pour utiliser la dernière en date de ces pauvres métaphores guerrières que des politiques sans imagination servent à toutes les sauces dans l'espoir d'entraîner derrière eux un peuple apeuré), souhaitons que cela soit celui de notre discernement, de notre esprit critique. Changer soi, c’est changer le monde.
Souhaitons-nous de trouver les moyens de nous parler, de nous écouter et de nous entendre, d'expérimenter et d'apprendre ensemble, de nous accorder par-delà nos différences, pour retisser ce lien qui est notre force collective. Nous pouvons tenter, à notre modeste échelle, d’être ces "ravaudeurs" dont parlait le regretté Bruno Latour, celles et ceux qui par petites touches, avec de petits gestes plutôt qu’avec de grands desseins, favorisent le rapprochement des esprits, la concorde, et empruntent les chemins d’un dialogue exigeant.
Parfois, il vaudrait mieux avoir l'intelligence de ne rien faire plutôt que s’agiter sans mesure. La sobriété plutôt que la frénésie. Souhaitons-nous moins d'énergie dissipée en chaleur et poussière, moins de ces "solutions" qui aggravent les problèmes. Moins de croyance à l'héroïsme, au “grand soir”, et plus d'humilité, et de cohérence. Faire un peu, faire ce qu'on peut, faire du mieux qu’on peut. Souhaitons-nous la force d'être tranquille, et qui sera peut-être contagieuse. Bref, sur l’essentiel, ne lâchons rien !
Une belle année à vous, chère lectrice, cher lecteur, qui me faites le plaisir de me lire, et qu'elle nous donne beaucoup d’occasions d’échanger et de jeter quelques ponts vers un avenir désirable.
J'apprécie d'autant plus ces voeux, sincères, directs et inspirés que j'ai toujours du mal à les exprimer moi-mème (avec une touche de wu wei....sobriété plutôt que frénésie). Je me suis permis de les partager alors, un double merci, et espérons que ces voeux trouvent un écho et leur réalisation en 2024...