Quelques bons livres de l’année
Décembre est le bon moment pour vous conseiller quelques pépites que j'ai eu le plaisir de lire en 2022
Le meilleur livre est souvent celui qui est dans la pile de ceux qu’on a pas encore lu (et ma pile continue de s’élever dangereusement), comme une promesse. Mais comme décembre annonce la saison des rétrospectives, c’est l’occasion de jeter un oeil dans le rétroviseur et de partager avec vous quelques pépites lues cette année. On ne sait jamais, ça pourrait vous donner des idées !
📚 Du côté de l’autobiographie, d’abord. Cet été, je suis parti en vacances avec les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, trouvées en Livre de poche, d’occasion. Je craignais que ce soit indigeste, mais j’avais adoré les Rêveries du promeneur solitaire, et Rousseau m’a toujours intrigué, alors pourquoi pas ? Or quelle surprise. Les Confessions sont vivantes, colorées, enlevées. On s’y plonge avec délice dans le grand siècle, ses bizarreries et ses petitesses, sur les traces d’un drôle de Suisse, qui a juré de tout nous dire, y compris le plus gênant de lui-même. Une cavalcade, un tourbillon de voyages et de mondanités, une vie racontée tambour battant, de l’enfance à l’approche de la vieillesse. Tout cela dans une langue élégante, directe, somptueuse. Franchement, un bonheur.
📚 Dans le genre de l’essai historique, j’ai dévoré Témoin jusqu’au bout de Georges Didi-Hubermann (Editions de Minuit). Une claque. Ce texte d’une profonde intelligence, superbement écrit, raconte l’histoire du grand philologue juif Victor Klamperer dans le Berlin de la montée du nazisme, qu’il habitera jusqu’à la fin de la guerre. À notre époque, quand n’importe quel crétin se prétend “résistant”, il y a dans ce livre de quoi remettre les idées en place. Comment Klemperer et son épouse parviennent-ils à survivre à la peur, à la folie qui les guette, à la chape de plomb des brimades, des vexations, au déchaînement de la violence raciste ? Klemperer se donne une mission secrète, à laquelle il ne dérogera jamais : décrire en secret (il risque sa vie) l’évolution de la société autour de lui et ses propres émotions d’homme traqué. S’en faire le témoin. Cela donnera, après la guerre, sa célèbre étude sur la langue du troisième reich. Dans son journal, au jour le jour, avec une finesse et une sensibilité extraordinaires, il documente le glissement dans le fascisme, qu’il traque dans les plus petits signes et indices de la vie quotidienne, la montée de la bêtise, de la violence, de la perversion. Une prenante réflexion sur le totalitarisme, et comment les mots sont instrumentalisés par le pouvoir pour contaminer toute une société.
📚 Comment oublier Christian Bobin, qui vient de nous quitter ? Son Muguet rouge, dernier livre publié chez Gallimard, est très beau. J’ai aussi lu de lui cette année Pierre, (Gallimard) à la fois méditation fantastique et hommage sensible à son ami Pierre Soulages, autre disparu de 2022. Bobin narre son voyage pour Sète, à sa rencontre, et l’évocation de son ami lui permet de magnifier le « surgissement de la présence », telle que lui l’aura chanté dans toute son oeuvre, comme cette présence de la lumière que Soulages révélait dans l’outre-noir. « Je n’ai jamais connu d’autre habitation que la phrase à venir », écrit Bobin. Mais nous, lecteurs fidèles, aurons toujours la chance de pouvoir nous réfugier dans les siennes, quand nous aurons besoin de réconfort. Merci à cet infini poète des petites choses.
📚 Vous aimez écrire ? Alors entrez dans la masterclass de Jean-Philippe Toussaint, C’est vous l’écrivain (éditions Le Robert). J’ai savouré cette réflexion sur l’écriture, jamais exempte d’un légère auto-dérision, qui est aussi le récit des hasards (?) par lesquels Toussaint est devenu un écrivain reconnaissable entre tous pour la précision, la clarté absolue de sa phrase, sa fluidité. Ce n’était pourtant pas une vocation, comme on le verra dans le livre ! Toussaint raconte son processus d’écriture, le destin qui a fait de lui ce romancier atypique, traduit dans le monde entier. Il en profite pour retracer sa très belle rencontre avec Jérôme Lindon, son éditeur et ami, qui l’a révélé. Peut-être ne peut-il y avoir de grand auteur sans un grand éditeur ? Le livre en tout cas, est une leçon de style, un bijou. Masterclass on vous dit.
📚 Pour finir, je vous conseille un livre de Ram Dass, ancien professeur de psychologie de Harvard devenu une figure culte de la génération Woodstock, converti à l’hindouisme, qui nous partage, au soir de sa vie, ses réflexions sur la manière de continuer de trouver la joie quoiqu’il arrive. Vieillir en plein conscience (Le Relié poche) est une somme d’anecdotes, de notations sur le bouddhisme, la méditation, l’accompagnement des mourants, mais aussi, à travers sa propre vie, sur les mirages du succès, les illusions de l’égo, et comment faire face à la maladie (il a été frappé d’un AVC). Il ne cache rien des angoisses liées au vieillissement et à l’approche de la fin de vie, mais ne se désespère jamais, bien au contraire. Et si la vieillesse n’était qu’une occasion d’apprendre, et d’affirmer sans cesse la prééminence de l’âme ? Rester agile, flexible, pour faire, comme un judoka, de la faiblesse du corps une force spirituelle. Son livre est enlevé, toujours optimiste, lumineux, et … vivant !
Bonne lecture, et à bientôt !
De mon point de vue très bien, et bien sûr il faudrait demander à l'assistance... hélas je n'ai même pas une photo à partager ! Je n'y ai pas pensé
Bonjour Marc, et à propos de bonnes lectures, comment s est passé ton événement?