Succombez-vous au tsundoku ?
Il fallait un mot japonais pour définir cet étrange "syndrome de la pile de livres à lire"... Ces livres qui nous attendent et qu'on délaisse
Le tsundoku est le mot japonais qui désigne cette propension à accumuler des livres, que l’on achète mais qu'on ne lit pas, et dont on regarde la pile grandir sur la table de chevet ou sur un coin de bureau avec un léger sentiment de culpabilité. Evidemment, c’est ce qui m’arrive en ce moment, ma pile grandit, d’où cette note ! Mais que faire ?
Il faudrait que j’arrête de rentrer dans chaque librairie que je rencontre, dès que j’ai quelques minutes devant moi, pour en ressortir avec quelques merveilles. Mais c’est une sorte de vice, ou d’addiction, auquel je ne suis pas prêt à renoncer.
J’ai remarqué que souvent le dernier livre que je viens d'acheter brûle la priorité à ceux qui attendaient sagement leur tour, et qui maintenant me regardent de travers, se disent que décidément je suis un lecteur peu fiable. C'est le syndrome du coupe-file. Je déteste pourtant ça, les gens qui jouent des coudes ou usent de filouterie, l'air de rien, pour gagner quelques places dans la queue du cinéma, un sport français tout à fait détestable si vous voulez mon avis.
Mais revenons-en aux livres. Le mot tsundoku combine les kanjis qui signifient accumuler (積) et lire (読), nous apprend Wikipédia. Ce qui ne dit rien des raisons, sans doute multiples, à l’origine de cette stase livresque. Pour ce qui me concerne, souvent j’achète un livre sur l'impulsion d'un moment, une humeur, une curiosité. Je lis une critique, je tombe sur une émission ou quelqu'un parle d'un ouvrage dont je me dit qu’il faudra absolument que je le lise : je me le procure illico.
Mais il n’est pas dit que je puisse le lire tout de suite. Dans ce cas, il va rejoindre la pile. Et là, il se banalise un peu, il perd de son actualité. Il s’éloigne. Parfois il me semble que la nature même du livre suppose certaines conditions (qui ne sont pas remplies) pour en apprécier la lecture. Je me dis que tel livre de philosophie ou de sociologie un peu ardu ne pourra se lire avec profit qu’avec une grande disponibilité d'esprit, qu’il faut donc attendre des vacances, la mer ou un paysage de montagne, de l'espace pour penser et du ciel au-dessus de moi, pour en découvrir les trésors. Mais bien sûr, le moment venu, je trouve beaucoup plus naturel de lire un roman léger et sans conséquence, qui s’accordera mieux avec l’humeur du moment. Il n'y a pas de règle générale, sans doute. Par exemple : il est beaucoup question de codéveloppement pour moi en ce moment, alors, après avoir assisté à une intéressante conférence à la SFCoach, je me suis procuré le dernier livre de Claude Champagne, le co-inventeur de cette méthode, mais j’ai un peu peur qu’il ne rejoigne ma pile de tsundoku, parce qu’entretemps je suis tombé sur un magnifique livre à propos de Tabucchi, qui m’a donné une furieuse envie de relire quelques oeuvres de ce romancier épatant…).
Ecrire cette note est sans doute une manière de me défaire d'un (petit) sentiment de culpabilité à l’égard de tous ces livres qui m'attendent et que je délaisse, et ainsi de leur rendre hommage. Ne vous inquiétez pas, chers livres, je m’occuperai bientôt de vous. Vous me rassurez : je sais que vous êtes là, et que votre moment, notre moment, viendra. Ainsi que le disait Jules Renard :
« Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux. »
Et vous, succombez-vous au tsundoku ?
Quel chouette billet sur le sujet ! Je suis victime de Tsundoku et j’ai un très joli mot maintenant pour désigner cela sans complexe. Mêmes explications et mêmes démarches. Je n’en comprends pas la raison mais je sais combien je ressens le besoin de nourrir un espace qui m’apparaît vide dans le creux de mon être. Je suis Gémeaux. Ne dit-on pas que ce signe d’air se gave de connaissance et de apprentissages ? Je me dis voilà qui est confortable pour accepter ma nature. Chaque livre comble un vide, comme si savoir, comprendre, me conférait plus de consistance. Savoir que c’est à portée de main… et le ciel s’éclaircit, apaise ma peur de l’insignifiance dans ce vaste monde et cette vie de passage. Tout se vit peut-être alors plus aisément. Merci Marc 🙏🏼😊