Les faces cachées de l'hypnose (2)
Deuxième partie de mon topo sur l'hypnose, une pratique qui donne encore lieu à de nombreux malentendus, mais qui révèle nos capacités et ressources de changement.
François Roustang, dissident de la psychanalyse, contribua à réhabiliter l’hypnose en France à la fin du siècle dernier, alors que cette pratique avait longtemps été rejetée par les émules de Lacan. Prenant la suite d’Erickson, Roustang montra que la forme de perception propre à l’hypnose (différente de la perception restreinte que nous avons de notre environnement la plupart du temps) permet des changements profonds du sujet.
Cette disposition que l’on atteint dans la transe est en effet une ouverture sensible, favorable aux émergences.
Il faut bien comprendre que l’hypnose n’est ni bonne ni mauvaise en soi. Elle est sans destination ni idéologie. Elle est un passage par la confusion, par le rêve, une matrice d’où peut émerger une plus grande intimité avec ce qu’il y a de plus vivant (donc de plus « innovant ») en nous. Elle est un état qui permet de revisiter certains comportements automatiques (addictions) et d’intégrer de nouveaux gestes quotidiens.
L’hypnose moderne est largement constructiviste. Cela signifie qu’on part de ce principe que nous faisons exister notre réalité, notre “vision du monde”, par des mots, par des images, des suggestions. Tout cela peut être modifié dans le travail thérapeutique. En changeant certains mots ou images que l’on projette sur la réalité, nous pouvons modifier notre vie.
Un sommeil qui vise à se réveiller
Nous avons chacune, chacun, notre hypnose. Cette hypnose, comme manière sentie d'être au monde, rappelle que notre puissance d'agir ne dépend pas seulement, comme on a tendance à le croire, de notre manière de raisonner et d’analyser, mais aussi (et peut-être surtout) de notre capacité à vibrer, à rayonner, à entrer en résonance avec notre environnement.
À ce sujet, on dit de l’hypnose qu’elle est transitive. Si vous observez une personne qui se fait hypnotiser, vous entrez quelque peu en transe, vous aussi.
L’hypnose n’est pas une théorie (même s’il y a une vaste littérature sur le sujet !) mais une « pratique de l’imaginaire ». En thérapie, elle vise à restituer à la personne ses propres capacités de changement et d’action, à partir d’une forme d’unité, de présence à l’ensemble de ses perceptions.
Dans l’hypnose, il peut se passer des choses inattendues. L’hypnose thérapeutique, c’est vouloir aller ensemble là où des choses se passent. Là où un agir neuf est possible. Et par exemple, quand on s’immerge dans ce qui nous pose problème, dans le comportement ou la situation qui fait souffrir, une addiction, une phobie, une peur, une angoisse, certaines solutions apparaissent, sous la forme de geste, de rêves, d’images ou de sensations.
On l’oublie parfois, il y a des hypnoses négatives : par exemple quand on se limite, on se bloque sur une situation, une douleur, une difficulté, dont on se fascine soi-même. On croit que c’est toute la réalité. Le travail thérapeutique permet de rétablir notre hypnose “naturelle”, notre flexibilité personnelle.
L’hypnose comme outil d’accompagnement
L’expérience de l’hypnose et de ses mécanismes est certainement utile aux personnes qui ont pour métier d’accompagner. Sa compréhension permet d’accompagner et de stimuler certains processus de résilience, et de réparation.
Les coachs peuvent s’en servir pour s’établir dans une présence sans intention, qui est à mon sens une dimension clé de la posture en coaching. Elle est aussi un outil de supervision : elle permet d’atteindre un état d’empathie profonde, de mieux sentir ce qui se passe avec telle personne, dans telle situation, et d’éclairer nos angles morts.
(NB j’animerai à la SFCoach un atelier de sensibilisation à l’hypnose pour les coachs et les accompagnants le jeudi 5 octobre prochain, au Forum 104, rue de Vaugirard, à Paris — si vous êtes intéressé-e, merci de me mettre un message pour que je puisse vous tenir au courant).