En lisant Pédagogie de la résonance*, un livre d’entretien avec le grand philosophe allemand Hartmut Rosa, j’ai songé à l’enfant et à l’étudiant que j’ai été.
Je me suis rappelé des professeurs ennuyeux, médiocres, ou simplement blasés, dont le cours paraissait une interminable purge d’ennui. Leur matière semblait morte, leur propos sans utilité, ne déclenchant aucune curiosité.
Et puis il y avait ceux dont on entrait dans la classe avec plaisir, parce qu’on pouvait espérer qu’ils nous transportent, soit que leur matière nous passionne, soit qu’ils aient un talent de conteur, une manière de faire participer la classe, ou de faire sentir aux élèves leur valeur, leur potentiel. On sortait de cours avec des étoiles dans les yeux. Il s’était passé quelque chose, une interaction pleine de sens, pas à un simple écho, mais plutôt la vibration d’une harmonique nouvelle, inattendue.
Rosa raconte qu’un professeur avait commencé son premier cours de l’année en disant : « Je suis ravi d’être avec vous, je voulais absolument avoir votre classe » et que cette déclaration, et l’enthousiasme qu’il manifestait, avaient créé immédiatement un axe de résonance avec ses élèves.
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La résonance est un concept-clé développé par Rosa. Il décrit ainsi l’expérience que nous faisons quand il se passe quelque chose qui nous fait sentir vivant, en lien avec les autres, avec les choses. On est touché, et on touche en retour. On est modifié par l’expérience que l’on fait, et on a le sentiment de modifier l’autre, ou un fragment du monde qui nous entoure. C’est un moment particulier. Quelque chose de très concret, qui engage le corps tout entier, et ne se limite pas à la dimension interpersonnelle. On peut connaître la résonance dans une forêt, devant un galet ou une oeuvre d’art, face à un arc-en-ciel ou un coucher de soleil. On peut la ressentir en jouant avec son chien, ou en lisant une page d’un livre.
La résonance est « indisponible », dit aussi Rosa. C’est-à-dire qu’on ne peut jamais programmer ce qui va nous faire vibrer. On peut aller au bout du monde, dans les plus beaux endroits, visiter les lieux les plus prestigieux, voir des paysages spectaculaires, mais il se peut que ce soit plutôt le sourire d’une personne croisée dans la rue en bas de chez soi qui illumine notre journée. Notre monde de consommation voudrait faire en sorte que tout soit disponible, consommable, achetable en un click. Mais il se trouve justement que l’essentiel ne l’est pas. Parfois, toutes les conditions semblent réunies, et cependant l’étincelle ne se produit pas.
Dans ce petit livre, où Rosa applique son concept à la pédagogie, il parle de ce qui se passe dans une salle de classe. L’apprentissage peut se limiter à l’acquisition d’une compétence, ou d’un savoir. Mais on peut aller au-delà. On peut faire que certains jours, une électricité passe dans l’air, « la salle crépite », les élèves et l’enseignant sont attentifs, présents les uns aux autres, actifs. Chacun est engagé dans l’expérience de découvrir, de comprendre, de transmettre. Chacun accepte d’en être changé. C’est une chose que l’on rencontre dans le coaching d’une équipe, ou dans un team-building, certains moments de partage, de connexion, qui développent la confiance et la capacité de s’ouvrir, et de créer ensemble.
En songeant à cette belle notion, que je ne fais qu’effleurer ici (l’oeuvre de Rosa est immense), j’ai pensé que je pouvais vous souhaiter cela, pour l’année qui vient… et toutes les suivantes ! De belles résonances, et que les étoiles brillent dans vos yeux.
* Hartmut Rosa, Pédagogie de la résonance entretiens avec Wolfgang Endres, éditions Le Pommier, 2022
Bonjour Mathilde, merci de vos enrichissements. La résonance, comme le dit Rosa, n'est jamais "donnée". Elle se construit, sur la confiance mutuelle. Et comme vous le suggérez, ça résonne plus ou moins, selon les moments ! Le livre de Rosa vous intéressera je pense.
Ou résonance en lisant quelques articles d'un blog découvert fortuitement :-)... En pédagogie, cela me semble plus un objectif à viser qu'une condition ( la "cerise sur le gâteau" ... heureusement pour nos élèves qui apprenent quand même quelques petites choses même sans être en face de l'Enseignant qui les fait vibrer), mais en revanche cela me semble une condition incontournable de la relation au thérapeute /coach ou disons du processus d'évolution personnelle ... Merci de cet article qui invite à approfondir le concept et, pour ma part, à découvrir H. Rosa.