Et la détox relationnelle ?
Se débrouiller de celles et ceux qui nous polluent et parfois font souffrir, ne signifie pas s'enfuir - mais trouver la "bonne distance", l'espace dont nous avons besoin
On entend beaucoup parler ces temps-ci de détox, qui consiste si j'ai bien compris à mettre son système digestif au repos, à laisser des liquides, tisanes et décoctions légères, emporter les toxines accumulées par nos excès de toutes sortes.
Mais on ne parle pas assez de détox relationnelle, il me semble.
Ainsi : on fera bien de porter un peu d’attention à notre relation avec certaines personnes de notre entourage qui ont tendance à irradier (rayer les mentions inutiles) :
la mauvaise foi
l’égoïsme
l'envie (la jalousie)
la volonté de (vous) contrôler
le désir de s'imposer à tout prix (y compris par la tyrannie, la brutalité)
On peut avoir envie de s'enfuir, de tout laisser tomber pour ne plus avoir à faire avec ces personnes (et certainement il est des cas où c’est la meilleure option). On peut aussi vouloir les affronter (il faut alors mesurer les risques avec réalisme).
Ces options ('“fight or flight”) ne sont pas toujours possibles. Après tout, ces personnes sont quelquefois des parents, un conjoint (eh oui), un collègue avec qui on est obligé d’interagir, un manager, etc. On ne peut pas s’en aller comme cela, du jour au lendemain. Et une confrontation ouverte pourrait aussi rendre l’atmosphère encore moins respirable.
Il faut se méfier du tout ou rien. Les choses ne sont jamais noires ou blanches. Vis-à-vis de ces personnes, il existe toujours un certain espace de liberté pour modifier sa place, de manière à moins subir leurs radiations désagréables, quand ils sont en mode toxique (ce qui peut être intermittent).
Il s’agit donc d’apprendre à "prendre ses distances" — créer un espace pour se protéger. Le grand avantage, c’est que cela ne dépend que de vous.
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La bonne distance est celle qui nous convient. Et cela peut varier. On peut ajuster, paramétrer. Laissez tomber l’idée que les choses sont figées pour toujours. Tout reste toujours ouvert, et évolutif.
Avec un parent momentanément pénible, on peut prendre le large, couper les relations un certain temps, se faire des vacances, en somme. Bref, rester à "bonne distance" (de sécurité). Ah au fait, non, chers parents, je ne viendrai pas à Noël cette année, bonnes fêtes et amusez-vous bien ! Ouf.
Un cas difficile, ce sont les ex. C’est une situation courante en thérapie. Après un divorce, une rupture, quand il y a des enfants, il faut bien faire avec l'autre (le père, la mère). Souvent des jeux psychologiques se mettent en place, et il arrive que les enfants soient instrumentalisés, à des fins de revanche, et parfois de vengeance. Il faut beaucoup de tranquillité intérieure pour parvenir à ne pas jouer le jeu, et laisser à César ce qui appartient à César, et au tordu ses contorsions et ses coups de billard à trois bandes pour essayer de nous déstabiliser à travers notre progéniture. Pas cool ? Eh bien non, effectivement, mais on n’a guère d’autre choix que de faire avec, quoique cela veuille dire. Là encore une affaire de distance à trouver, sans pour autant accepter n’importe quoi (c’est bien cela que nous devons négocier avec nous-mêmes : quelles sont nos limites).
J’ajoute, quand je parle de prendre des distances, que sont aussi celles que l'on peut établir sans bouger en apparence. Je veux dire : vous continuez d’avoir des relations, mais, parce que vous avez créé de l'espace à l'intérieur de vous, il devient possible de laisser passer ce qui, sinon, vous blesserait. Ne pas offrir à l’autre ce qu’il attend : votre réaction, votre émotion, votre peur. Bref, cesser de jouer le jeu qu’il vous propose de jouer.
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Un espace intérieur de sécurité. Vaste. Très vaste. Immense.
Juste pouvoir contempler ce qui se passe. Comme c’est reposant !
Il y a un petit conte zen qui illustre cela et que j'aime bien :
Un disciple vient voir son maître parce qu'il souffre. Le maître lui tend un verre d'eau dans lequel il a jeté une poignée de sel et lui demande de goûter. C'est amer, dit l'autre en grimaçant. Très bien, dit le maître, imagine que le sel représente ta souffrance. Puis il se dirige vers un lac, et y jette la même poignée de sel. Goûte maintenant. Je ne sens rien, dit le disciple, l'eau est bonne. Pourtant c’est la même quantité de souffrance, dit le maître. On ne peut pas se débarrasser de la douleur mais on peut infiniment agrandir l'espace à l'intérieur de soi pour l’accueillir.
La distance qu’il s’agit de prendre est moins avec telle personne qui ne nous réussit pas, mais d’abord avec notre propre empathie à son égard, notre désir que cette personne change et redevienne comme avant, du temps où ça se passait bien, ou encore qu’elle nous reconnaisse pour ce que nous sommes — bref vouloir que les choses soient différentes de ce qu’elles sont. Soyons réaliste, évitons de nous bercer d’illusion. (Excusez-moi de rappeler cette évidence : on ne change pas les gens s'ils ne veulent pas changer. Ne vous mettez pas sur le dos un défi irréalisable, et qui ne dépend pas de vous).
La seule chose que nous pouvons modifier à coup sûr, c’est la manière dont nous vivons cette relation.
Ceci posé, c’est peut-être l’occasion de vous interroger un instant. Y a-t-il quelqu’un dans votre vie de qui vous trouveriez bénéfice à vous éloigner (même intérieurement) ?
Et peut-être plus important encore : y a-t-il quelqu’un de qui vous avez envie de vous rapprocher, qui rayonne, et vous illumine ?
Détox on vous dit. De l'air.
Bonne journée !
L’age venant, une évidence survient: celle de travailler avec des gens qu’on apprécie, pour citer ce domaine. En illustration, il y peu à une dégustation de cigare, l’invité principal représentant une marque, pour animer le petit groupe, fait circuler une question: “ What could ruin your cigar?” (Il etait d’Amérique centrale et notre espagnol était un facteur limitant!). Chaucun des convives cherche une réponse aussi sincère qu’ intelligente, sur le calme, le temps dévolu etc... A la fin, nous lui retournons sa question et il nous répondit: “ you can waste a good moment if you smoke your cigar sitting close to an asshole!”. C’est aussi une manière (certes expliquée cruement) d’envisager la détox :-) !
Excellent article, merci Marc de nous remettre en face de cette réalité simple de la juste distance ou de la distance choisie