Chercher sa voix
Quelques remarques sur les aléas de l'écriture et la publication d'un livre
Je me suis un peu “avancé” dans un précédent post en indiquant que j’étais dans l’écriture d’un prochain livre. Des lecteurs m’en ont parlé in real life, et demandé quand le livre serait disponible. Hélas ! Il y a aussi loin, du travail quotidien d’écrire à la parution d’un ouvrage, que de la coupe aux lèvres. Tout un chemin, donc, du temps de l’écriture à l’objet livre.
L’écriture au long cours est une activité que j’adore, et j’ai eu la chance de publier plusieurs ouvrages, mais cela demeure un processus plein d’aléas. Pour ce qui me concerne, je suis généralement incapable de donner une échéance précise quant à la date à laquelle je pourrai mettre un point final au bas de mon texte. Ça arrivera quand ça arrivera. J’espère donc la parution de mon prochain livre, si livre il y a (c’est l’éditeur qui décide !) pour une date indéterminée.
Ceci dit, soyez sûr-e-s, chère lectrice, cher lecteur, qui me faites l’amitié de lire le Journal du coach, que vous en serez les premier.es averti.es. (Et je vois qu’il me faudra aussi, dans un prochain post, vous faire part de mes questionnements quant à l’écriture inclusive, mais laissons cela de côté pour le moment…)
Écrire (sauf à appliquer une recette commerciale, ou demander à ChatGPT de le faire) reste un processus expérimental. Jean-Philippe Toussaint, dans L'urgence et la patience, son excellent dernier ouvrage (qui décrit le processus d’écrire du romancier qu’il est) dit quelque chose d’important sur ce que doit être un livre. Voici la phrase exacte :
"Un livre doit apparaître comme une évidence au lecteur, et non comme quelque chose de prémédité ou de construit. Mais cette évidence, l’écrivain, lui, doit la construire.
Voilà. Pour atteindre à cette évidence, tout auteur teste des trucs, il cherche sa voix. Sa voix écrite. Et la voix de ce livre-là en particulier, celui qu’il est en train d’écrire.
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Qu’est ce qui fait un bon livre ? Qu’est-ce qui fait une lecture qui inspire et emporte ?
J’oserais dire que c’est quand la lecture d’un livre fait courir une voix dans notre tête, une voix naturelle, douce ou rocailleuse, folle ou sage — singulière en tout cas. Cette voix n’est pas celle de l’auteur ; elle naît d’une rencontre entre la voix de l’auteur dans son texte et notre voix de lecteur, celle de notre for intérieur. Quand que les deux se mêlent, se confondent, elles conspirent à nous entraîner dans l’imaginaire.
Trouver sa voix, c'est le travail d'une vie, sans doute, quelque soit le médium que l'on utilise. Ecrire un livre est une façon de s’approcher de cette “évidence” dont parle Toussaint. Un peintre, un illustrateur, un sculpteur cherche aussi sa voix. Nous avons tous à le faire. On cherche sa voix comme fils ou fille, comme parent, comme professionnel, comme leader, quoiqu'on fasse. On cherche sa voix comme on cherche sa voie. C’est cela s’affirmer. On cherche ce qu'on a à dire, ce qui vaut d'être dit, et comment le dire. Et c’est au fil de ce travail que l’on apprend ce qu’on veut vraiment dire, en même temps qu’on arrive à l’écrire — parfois.
Chercher sa voix, dans l’écriture, ça revient beaucoup, en tout cas pour ce qui me concerne, à reformuler, réécrire, et réécrire encore. Filtrer impitoyablement. Se censurer (comme dit Camus, "un homme ça s'empêche"). Les auteurs qui écrivent trop et trop vite m'ennuient. Alors je cherche un équilibre.
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La voix d'un livre, et la voix que j’essaie de trouver sur ce blog, sont différentes. Ce n'est pas le même rythme d'écriture et de lecture. Un livre devrait nous embarquer pour un voyage au long cours, installer une forme d’intimité, une proximité, chuchoter à l'oreille du lecteur, mais parfois aussi faire sursauter, surprendre. Écrire un livre, c'est un marathon, ne pas lâcher son texte pendant des mois, des années. Et souvent, tourner autour de ce qu'on veut exprimer, avec l'impression un peu frustrante de n'arriver jamais au noyau, au coeur. Alors insister, refaire, essayer encore.
Un blog c'est autre chose. La réaction, ou non-réaction, du lecteur est immédiate. On essaie de livrer au fil de l’eau quelque brève réflexion dans le cadre contraint d’un post. Le blog, c'est une manière de faire un petit coucou de temps à autre. Et souvent je songe à des sujets que je m’étais promis de partager avec vous, des lectures notamment, des idées qui semblaient géniales sur le moment, et puis il y d’autres priorités, les choses filent, et les idées non concrétisées disparaissent dans le sillage, vont s'empiler dans le vaste cimetière des choses qu’on aurait pu écrire.
Tenez, pour finir, je vous recommande vivement ma dernière découverte, que je suis en train de lire avec un grand plaisir, qui est bien dans le thème de cette note. Écrire, par Eudes Séméria (Albin Michel). Découvrant son livre par hasard dans une librairie, je me suis souvenu que nous nous étions croisés dans une classe de collège, il y a bien longtemps, et partagé quelques fous rires. Comme quoi, par plein de chemins, l’écriture nous rapproche.
Et vous, qu’écrivez-vous en ce moment ?
merci Marc tu racontes bien les aléas de l'écriture, mon cimetière à moi est bien rempli ! j'ajouterais juste que pour moi, un bon livre c'est celui qu'on ne peut pas ne pas écrire, il prend trop de place dans la tête. Une fois écrit, on peut espérer faire la place à d'autres réflexions, d'autres sujets de curiosité et renouer avec ce flux aléatoire et libre de la pensée ...pour faire naître un autre projet de livre ?