Un beau temps effrayant
Je suis en Bretagne pour quelques vacances, et depuis des semaines il fait un beau temps effrayant. Le ciel est bleu du matin au soir, il fait entre 27 et 40 degrés, la mer est agréablement fraîche pour une baignade. Les vacanciers sont ravis. Le temps qu'il fait cet été en Bretagne est celui que l'on trouve habituellement dans les îles grecques. On sait quand on se couche le soir que le soleil sera au rendez-vous du lendemain. Il n'y aura pas de nuage, et pas de pluie. Et ça continuera, dit la météo, pour les semaines qui viennent.
Bien sûr les monts d'Arrée ont brûlé. Les agriculteurs se désespèrent, les maraîchers voient leurs cultures griller sur pied. Les rivières se tarissent et les poissons meurent d'asphyxie. Les porcs entassés dans leurs stabulations souffrent. Heureusement, le tourisme se porte bien.
J'entends à la radio un expert expliquer que la forêt que nous connaissons dans le nord de la France, les grand chênes qui culminent à 45 mètres, que nous avons la chance d'admirer aujourd'hui en nous promenant à Compiègne ou Tronçais, cette forêt n'en a plus pour longtemps. D'ici vingt ou trente ans, elle ne s'élèvera plus qu'à 25 mètres, parce que les quantités d'eau disponibles ne permettront plus aux arbres de croître comme ils ont pu le faire aux siècles passés. Ce sera un autre paysage, fait de garrigue, de taillis, qui ressemblera à la forêt méditerranéenne. D'ici là les grands chênes auront brûlé ou seront morts de soif.
C'est un peu triste, et j'ai bien conscience que mon post n'est pas très optimiste, pour un milieu d'été. Je contreviens à la règle non écrite qui veut que l'on soit happy quoiqu'il arrive, même quand des jets privés toujours plus nombreux sillonnent le ciel et que des SUV de deux tonnes roulent avec de l'essence subventionnée par nos impôts. Mais faut-il renoncer à la lucidité ? René Char a écrit que la lucidité est la blessure la plus proche du soleil. Cette phrase ressemble de plus en plus à une prophétie climatique. Sauf qu'il ne s'agit pas d'une prophétie -- mais d'une prévision.
Bel été à vous. Et prenez des forces. Nous allons en avoir besoin.