Sur l'ancrage de l'hypnose
(Scoop : oui, vous aussi pouvez l'utiliser pour le changement dont vous avez besoin dans votre vie)
Récemment j’ai eu le plaisir de proposer un bref atelier autour de l’hypnose pour quelques collègues coachs intéressé-es par le sujet (dans le cadre de la SFCoach). Quel intérêt de l’hypnose pour un coaching ? C’est une drôle de question, parce que le coaching penche généralement du côté de la “performance” individuelle et collective, du professionnel, de la rationalité, or le mot hypnose évoque généralement des pratiques éloignées de cet univers. Alors quoi ?
Je voudrais souligner dans ce post certains aspects de l’expérience hypnotique qui sont d’un grand intérêt pour un-e coach, et en réalité pour n’importe quelle personne ayant une fonction d’accompagnement (un-e manager par exemple).
Mais d’abord un bref détour pour définir ce dont je parle. Quand je parle d’hypnose, je parle d’une certaine “modalité relationnelle”. Au-delà de ses aspects “techniques” (comment hypnotiser quelqu’un), l’hypnose est une manière d’être au monde. Une forme de la présence à soi (donc à l’autre). C’est quelque chose d’universel, une capacité “animale” comme le sommeil, ou le rêve. Tout humain a une capacité d’hypnose, comme on a tous une capacité à rêver, ou à apprécier l’agréable éclipse de la conscience de soi dans le sommeil. L’hypnose n’est pas le sommeil, mais dans l’hypnose le rêve tient une place essentielle. On pourra dire qu’elle ouvre plus largement la porte entre notre partie consciente et nos ressources inconscientes, qui peuvent alors communiquer avec fluidité.
Je dis que l’hypnose est une relation : voyez que ce qu’on appelle auto-hypnose est une modalité de la relation de soi à soi. Pensez, dans la vie courante, à la rêverie à laquelle on s’abandonne dans les transports par exemple, ou quand on marche en réfléchissant à une situation, au point de ne plus trop voir ce qui se passe autour de soi. Cette rêverie apaisante et féconde (à la différence de la rumination, ou des pensées répétitives d’anticipation anxieuse ou de culpabilité) est une capacité à être à la fois ici et ailleurs. La porte de l’inconscient est ouverte. Nous arpentons le territoire intérieur de l’inspiration et du changement.
Un deuxième point, qui explique pourquoi j’utilise le mot ancrage : l’hypnose passe toujours par une certaine conscience du corps, une qualité de présence (dont les effets paraissent parfois bizarre), car ce retour au vital en soi est ce qui permet l’abandon momentané du jugement, donc une ouverture au changement.
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Bon. Mais alors, quid du coaching ?
En général, on n’attend pas d’un coach qu’il nous propose d’entrer dans un rêve hypnotique. Alors, pourquoi l’hypnose intéresserait-elle un coach, qui n’a pas fonction de thérapeute ? Et en quoi serait-elle utile à un manager ? Ou à n’importe qui, dans son travail ?
Eh bien, d’abord, par le pouvoir que l’on gagne, quand on en a une expérience, une certaine pratique, à installer en soi cet état de transe, à entrer dans cette modalité de relation très riche. L’hypnose est contagieuse : si vous savez vous installer dans cette forme de présence particulière, vous ouvrez par là-même, dans la relation, un champ de possibilités nouvelles. Cela contribue notamment à libérer la personne qui vous fait face, le client, ou le patient, de vos propres attentes inconscientes, projections, intentions, et crispations à son sujet (il ou elle a bien assez à faire avec les siennes !).
La transe brouille les frontières, et les certitudes. Dans son halo, des reconfigurations, des changements de posture profonds peuvent se réaliser. Je vous donne une image. Imaginez que vous aperceviez au loin la silhouette d’une personne, si loin qu’elle est encore indécise et floue. Vous pouvez imaginer beaucoup de choses à son sujet. Que c’est un homme, une femme, un jeune, un vieux, quelqu’un que vous connaissez, un parfait inconnu, etc. À ce stade, tout reste possible, indéterminé. Rien n’est encore coïncidant. Quand la silhouette se rapproche, qu’elle se précise, on découvre des caractéristiques de plus en plus nettes, jusqu’à définir l’identité de cette personne. En même temps que notre vision s’est précisée, les potentialités de la situation se sont restreintes. De la même manière, quand les choses semblent figées, qu’on se sent bloqué ou limité, il faudra, pour retrouver son pouvoir de changement, commencer par rendre les choses moins nettes, leur redonner du flou, laisser la situation dans laquelle on est redevenir une silhouette indistincte, pour retrouver la possibilité de l’imaginer, de la rêver — de changer. Paradoxalement, le halo d’indétermination est ce qui redonne du potentiel de changement. Cela peut sembler contre-intuitif qu’il faille en quelque sorte défocaliser, perdre en netteté, revenir à l’inconfort de ne plus être sûr de ce qu’on croit savoir, pour faire un pas vers un avenir différent. Je vous le confirme, le champ de l’hypnose est le territoire du paradoxe !
Et donc, j’en reviens à notre coach, ou à notre manager. En gagnant, pour lui-même, en maîtrise de sa propre capacité d’hypnose, il se place en situation d’accueillir les émergences, les inspirations, le changement ( c’est-à-dire ce qui vient quand on laisse venir). Il se place dans une flexibilité globale, une souplesse dont profite son client, ses collaborateurs, son équipe.
L’ancrage hypnotique, comme présence particulière à soi et à l’autre, stimule la perméabilité des inconscients, une créativité nouvelle. C’est l’endroit d’où quelque chose d’inattendu, de neuf, pourra surgir, dans la vie, quand il en est besoin — et qu’il nous appartiendra alors de saisir.
À te lire, dans les prochains James Bond, C ( Control) sera remplacé par H ( Hypnose) ;-). Pragmatiques comme sont les Anglais, ça pourrait bien « survenir ». Bon week end.