Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux.
Jules Renard
2020 a été une année différente, qui a modifié le rythme de travail pour beaucoup d’entre nous. Si je regarde le verre à moitié plein, j’ai eu plus de temps pour lire, et relire. Nombre de mes lectures - pas toutes cependant - ont été en rapport, proche ou lointain, avec l’hypnose, qui est le sujet d’un essai que je suis en train de terminer.
Mais il y a eu bien d’autres textes dont j’aimerais vous faire profiter. Je me suis donné comme objectif en 2021 de proposer chaque mois une sélection d’ouvrages lus récemment, qui m’ont intéressés et qui valent le détour (ou pas !). Ce sera aussi une manière de répondre à celles et ceux qui me demandent régulièrement des conseils de lectures…
Voici donc ma sélection de janvier pour les curieux :
Une vie de combats - de l'antifascisme à l'hypnose Léon Chertok, Didier Gille, Isabelle Stengers (La Découverte)
Je connaissais Chertok comme le médecin qui avait réhabilité l’hypnose en France dans les années 80. J’ai découvert que sa vie est un roman. Né en Litvakie, aux confins de la Pologne et de la Lituanie, il fait ses études de médecine à Vienne dans les années 30, émigre à Paris à l’aube de la seconde guerre mondiale, y devient résistant (il organisera une filière pour sauver des enfants juifs), avant de se consacrer, après guerre, comme psychiatre et psychanalyste, à réhabiliter la pratique de l’hypnose, en ferraillant contre les institutions psychanalytiques. Une personnalité d’une énergie bouillonnante, d’une séduction et d’une ingéniosité hors-pair, sans cesse en mouvement, et un inlassable chercheur. Le livre, co-écrit par la philosophe Isabelle Stengers, fait entendre la voix de Chertok dans ce texte qui mélange enquête biographique, fresque historique, entretiens et réflexions sur la science en train de se faire.
Qu’est-ce que l’hypnose ? François Roustang (Minuit)
J’ai relu avec délectation ce classique que Roustang raconte avoir écrit en quelques mois, dans un état de transe, aux Etat-Unis, alors qu’il se formait à l’hypnose avec Jay Halley, le disciple d’Erickson. Ce texte dense est une pierre d’angle dans son oeuvre. L’intelligence pénétrante de l’ex-jésuite y fait merveille. Il y forge quantité de concepts (veille paradoxale, intention, disposition, perceptude, etc) pour expliquer le changement permis par l’hypnose, et l’illustre avec de nombreux exemples tirés de sa pratique de thérapeute. L’ouvrage est une bible pour tout clinicien, et la référence de « l’hypnose roustangienne ». Je peux l’ouvrir à n’importe quelle page, sûr d’y trouver matière à penser le changement de soi. Indispensable.
La vie après l’égo, Barry Dogo Graham (Pocket)
Je me suis surpris à revenir à ce livre à tout moment pour y lire ou relire l’un de ses courts chapitres, sûr d’y trouver une leçon de vie particulièrement énergétique. Le moine zen écossais n’y va pas par quatre chemins pour pourfendre l’égo, et remettre l’église (l’instant présent) au milieu du village. Comme on dit, c’est no bullshit. Si vous aimez l’eau tiède, passez votre chemin. Que vous soyez ou non amateur de bouddhisme, je recommande chaudement ce petit ouvrage tranchant, qui déclenche une puissante sympathie pour son auteur tout en familiarisant le lecteur aux principes éternels du zen.
Rendre le monde indisponible Hartmut Rosa (La Découverte)
Ce livre manifeste le désir du philosophe et sociologue allemand de s’adresser à un large public. Son concept d’indisponibilité décrit une tension propre à notre société de marché, qui s’efforce de tout rendre « disponible », c’est-à-dire commercialisable, consommable. Non seulement les objets, dont nous sommes envahis, mais aussi les services, et même les « expériences ». Or Rosa rappelle que l’essentiel de ce qui fait que l’existence vaut d’être vécue échappe à ces tentatives de domestication mercantiles. Les « résonances » qui nous font sentir vivant, restent absolument imprévisibles, inattendues, impossible à prévoir et à garantir par avance. Par exemple, l’émotion procurée par un coucher de soleil, ou une rencontre amoureuse. L’indisponible est ce qui fait le sel de l’existence, quoiqu’on dise. Un bon moyen de découvrir l’univers de Rosa, sa pensée méthodique et profonde.
Le bonheur, sa dent douce à la mort, Barbara Cassin (Fayard)
L’étymologie de Barbara vient de « barbare ». Et il y a quelque chose de ça, d’une forme de sauvagerie, de liberté furieuse, dans la cavalcade de la nouvelle récipiendaire de l’académie française, helléniste et linguiste émérite, au gré de ses souvenirs et de ses pensées, où l’on croise aussi bien René Char que Heidegger. La langue de Cassin est unique, vibrante, poétique. C’est aussi une charge contre la pensée molle, les censeurs, un plaidoyer pour l’amour non possessif, pour l’engagement et le coup de foudre, pour l’hybride et pour une vie menée tambour battant, sans économie ni restriction, une forme solaire et magnifique du désir en acte.
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