Ma découverte de l'hypnose
Aujourd'hui, je vous propose un extrait tiré de mon livre "Les énergies de l'hypnose", publié aux éditions Albin Michel
“Il n’y a pas d’autre manière d’appréhender les paradoxes de l’état hypnotique que d’en faire l’expérience. C’est pour avoir été hypnotisé à de nombreuses reprises qu’on s’autorise à guider un ou une autre dans la transe. Ça ne marchera pas toujours, ni avec tout le monde, mais au-delà de l’apprentissage de quelques techniques simples, l’essentiel est sans doute de croire qu’on peut le faire, comme disait Erickson à ses élèves :
« N’essayez pas de faire comme quelqu’un d’autre, trouvez votre style, soyez vous-même. Ayez confiance en votre capacité à hypnotiser les gens. Croyez-y, c’est ça qui est important. »
Il n’est pas difficile d’hypnotiser une personne qui a envie de s’y prêter. Et il arrive que le désir de connaître l’hypnose suffise à la déclencher. La transe semble venir de loin comme un orage qui a grossi à l’horizon et qui éclate au moment du rendez-vous comme si l’attente avait été une préparation, et que la mise en présence agissait comme le signal déclencheur.
Ma première expérience formelle de l’hypnose remonte à l’adolescence. J’avais acheté, sur la foi de sa couverture criarde, un livre qui promettait de libérer des facultés mystérieuses et la « puissance infinie » de son cerveau. C’est ainsi que j’appris quelques rudiments d’auto-hypnose, en particulier cette technique pas trop fatigante puisque destinée à faciliter le sommeil : allongé sur le dos, les bras le long du corps, les yeux clos, la respiration tranquille, se concentrer sur un bras (le droit ? le gauche ? choisissez celui qui vous emmènera le plus loin) et sentir qu’il devient de plus en plus léger puis qu’il se soulève lentement, très lentement, et qu’au bout d’un temps plus ou moins long, au terme d’une course en demi-cercle, il vienne se poser doucement sur votre visage. Alors, à l’instant de ce contact, sentir le corps se détendre profondément.
Hypnose ? Relaxation ? Cet exercice induisait une sensation de légèreté que j’appréciais. Je découvris que l’on pouvait apprendre à laisser le bras se mouvoir en quelque sorte par lui-même, plutôt que par un effort direct de la volonté. Et il y avait ce moment, qui semblait s’éterniser, pendant lequel je percevais le déplacement de mon bras, mais sans être capable de le situer précisément dans l’espace (puisque les yeux fermés) donc sans pouvoir anticiper l’endroit exact où ma main se poserait. Je ne pouvais empêcher mon esprit de se concentrer sur cette incertitude, et de chercher à anticiper le lieu précis où le contact devait se produire. Lorsqu’enfin la jonction s’opérait, il y avait toujours une surprise. J’imaginais ma main atterrir sur la joue, et voilà que mes doigts touchaient le sourcil, le front ou la lèvre. Alors une sensation de détente envahissait mon corps comme si je me fondais dans un tiède grésillement (l’image qui me vient à l’évocation de ce souvenir est la neige qui apparaissait sur les écrans de télévision en ce temps-là, après la fin des programmes). Je m’endormissais très vite.
On dira, dans un langage technique, qu’il s’agissait d’une induction par lévitation du bras. J’avais compris un principe de base : toute hypnose est une auto-hypnose. Et aussi l’effet de la suggestion : car le relâchement du corps survenait pour cette seule raison qu’il était écrit dans le livre qu’il devait survenir, et que moi lecteur j’avais décidé d’y croire. Puisque j’attendais cette sensation, je la construisais, je l’induisais. Enfin, je pouvais mesurer ma courbe d’apprentissage : après avoir fait cet exercice à plusieurs reprises, je l’avais intégré comme un automatisme, ce qui me permettait de produire quand je le voulais cette sensation de fondre dans un agréable bain de particules se prolongeant à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de mon corps.
L’honnêteté m’oblige à raconter la suite de l’histoire.
Enhardi par ma découverte, je me mis en tête d’exercer mes nouveaux superpouvoirs sur un camarade d’étude, dont j’avais supposé qu’il serait aisément impressionnable (on dirait aujourd’hui qu’il avait l’air fragile). Il accepta ma proposition. Assis à côté de lui, je commençai à lui répéter de fermer les yeux, de dormir je le veux, en égrenant un compte à rebours entrecoupé de suggestions de détente. Il suivit mes instructions avec docilité, sembla descendre en lui-même, et bientôt manifesta toutes les apparences d’une transe. Mais au bout de quelques instants, je vis qu’il commençait à froncer les sourcils tandis qu’un masque douloureux glissait sur son visage et que son corps était parcouru de tremblements. C’était la manifestation d’une angoisse que je n’avais pas du tout prévue, angoisse qui gagna en retour l’apprenti-hypnotiseur. Que devais-je faire ? Ayant entendu dire qu’il était dangereux de réveiller un somnambule, je n’osais d’abord pas le secouer pour essayer de le ramener à la réalité. Malgré mes tentatives pour l’apaiser (ou à cause d’elles, allez savoir), il déclencha une crise de tétanie, et il fallut, avec le camarade qui assistait à la séance, que nous intervenions pour le contenir et éviter qu’il ne dévaste la chambre dans laquelle nous nous trouvions. Quand il fut revenu à lui, il nous raconta qu’il s’était trouvé dans une sorte de cauchemar dans lequel il ne parvenait plus à ouvrir les yeux, et avait paniqué. L’histoire n’eut aucune conséquence, mais j’avais eu une frousse bleue. J’en conclus que malgré la simplicité des moyens susceptibles de la déclencher, l’hypnose n’était pas à manier n’importe comment, ni avec n’importe qui, et qu’un certain savoir-faire était requis pour ne pas risquer de réveiller des émotions enfouies et possiblement violentes. Je n’avais pas encore lu l’avertissement de Roustang : « L’hypnose n’est pas quelque chose d’anodin car elle touche les fondements de l’existence. »
Merci pour cet extrait très instructif, il est clair ma première expérience avec l’hypnose, ton message me rappelle que je dois lire ton livre!