La vie des cons
la connerie est-elle plus présente que jamais dans nos vies privées et professionnelles ? C'est la thèse d'un philosophe de la connerie
Je vous recommande cette interview de Maxime Rovère, un expert es-connerie, à propos des organisations. Je ne suis pas tellement d’accord quand il dit que la connerie a remplacé la violence dans les entreprises, mais il y a beaucoup de choses intéressantes dans son approche. C’est quelqu’un qui parle de la connerie d’une manière particulièrement intelligente. « Ce n’est pas une anomalie d’avoir des cons à la tête d’une organisation, c’est le résultat d’une logique statistique » assure-t-il.
Bien sûr, on pourra toujours trouver que c’est complètement con de s’intéresser à un tel sujet, mais comme on le sait, on est toujours le con de quelqu’un, donc je ne vois rien là que de tout à fait normal.
En lisant ce qu’il dit, je me suis souvenu d’un ami étudiant que j’avais rencontré au cours de mes études et qui m’avait beaucoup étonné, parce qu’il avait une théorie très détaillée au sujet des cons. Il établissait une hiérarchie très fine, basée sur l’observation, ce qui l’avait amené à définir de multiples formes de connerie.
Selon lui, il y avait bien sûr les les grands cons, et les gentils cons, qu’il mettait dans la catégorie des bons cons. Ceux-là n’étaient pas nocifs, au contraire même. Il n’y avait, selon lui, pas grand chose à dire des pauvres cons. Selon lui, il fallait surtout se méfier des “sales cons”, et des “mauvais cons”. Les pires, dans sa classification, c’était les “méchants cons” dont il valait mieux ne pas croiser la route. Ce qui était bizarre et qui m’avait frappé à l’époque, c’est qu’il suffisait de mettre un qualificatif devant le mot con, pour voir apparaître une sorte d’archétype, un personnage. Il me semblait comprendre exactement ce qu’il voulait dire. Et j’avais alors réalisé que la connerie est un des rares phénomènes humains universel, ce que laisse d’ailleurs entendre cette citation attribuée à Einstein (selon des sources dont je ne garantis pas la fiabilité) :
“Il n’y a que deux chose qui soient infinies, l’univers et la connerie humaine. Quoique, pour l’univers, je n’en sois pas tout à fait sûr.”
Maxime Rovère est philosophe, et il a écrit tout un essai sur cette question : Que faire des cons ? – Pour ne pas en rester un soi-même (Flammarion, 2020) et sa pensée va plus loin. Il constate par exemple que nous sommes de plus en plus influencés pas les algorithmes, qui concourent à nous rendre intolérants à la frustration. “Ce sont des outils extrêmement performants qui nous permettent de satisfaire nos désirs très vite. La manière dont on mange, dont on s’amuse, dont on écoute de la musique, dont on regarde des films, dont on se rencontre etc. Tout ça est aidé par les algorithmes, et lorsque ça bloque, on ne le tolère pas.” Or, analyse-t-il, dans un monde avec moins de friction, où l’on reste dans sa bulle, on finit par “interpréter comme de la connerie tout ce qui ne nous ressemble pas. Et c’est un problème car on ne se rend pas compte que c’est justement la définition de la connerie !”
Je vous laisse méditer là-dessus et je m’en vais écouter un bon vieux Gainsbourg.
C était une avant première du prochain Philosophie magazine ? Vaste sujet. Comme disait Groucho Marx: » je ne voudrais pas faire partie d un club qui m accepterait comme membre « . Avec la Confrérie de la connerie, je vais me méfier... ;-). Il me vient juste cette phrase de Bébel: » la différence entre un con et un voleur ? Le voleur se repose la nuit, lui! « . Merci encore une fois Marc pour ce poil à gratter qui déclenche ce prurit subtil qu on ne peut s empêcher d’ entretenir. .