J'ai lu la sagesse du coach, de Vincent Lenhardt. Pour être franc, ce qui a piqué ma curiosité tient peut-être au fait que son livre a la même couverture que la première édition de la Zen Attitude, publié en 2006 (un jardin zen). J'y ai vu une sorte de clin d'oeil.
Le propos est court (100 pages) et le jardin bien rangé : il s'agit pour l'essentiel d'un plaidoyer pro domo doublé d’un encart publicitaire pour l'école de coaching de l'auteur. A la fin de la lecture, on est rassuré, tous les mots-clé y sont : transformation, accélération, mutation, complexité, paradigme, maïeutique, posture, organisation, leader, compétition, engagement, motivation, sens, etc. Figure centrale de l'ouvrage, "le coach" dont est fait un portrait héroïque, apparaît comme un enseignant socratique, un "éducateur" attentionné de son client, et celui-ci, "le dirigeant" (un homme ?), comme un être quasi surnaturel dont on approche avec des étoiles dans les yeux, une forme de dévotion.
Le fond systémique et relationnel qui fait le contexte du coaching n'apparaît guère, relégué à l’arrière-plan du face-à-face de deux figures essentialisées. Ces archétypes sont de nature sans doute à caresser dans le sens du poil le narcissisme des clients (et des coachs).
"Ainsi faisons-nous un métier magnifique où nous passons le plus clair de notre temps à libérer avec bonheur des princes et des princesses", écrit l'auteur.
Diantre ! Ce mythe du "Prince" qui pointe son nez ici et là m'a toujours paru suspect de promouvoir une forme de supériorité assez déplaisante, mais sans doute ne sont-ce là que mes propres projections. On trouve aussi dans le livre des éléments autobiographiques, des notions d’analyse transactionnelle pour les outils et la technique, et des éclairages empruntés à la psychothérapie existentielle de Frankl, pour l'humanisme et la profondeur.
Tout cela est rond, parfaitement huilé, intelligent et bien écrit, mais laisse le lecteur que je suis avec la sensation d'avoir été cantonné au rôle de spectateur passif d'un brillant exercice d'auto-congratulation. Surtout : cette vision du coaching ne relève-t-elle pas d'une autre époque ? Ne s'agit-il pas in fine de resservir cette vieille lune du leader omniscient, bienveillant et subtilement paternaliste ? C'est comme s'il manquait ici ce qui est au coeur de la relation d'aide : une authentique ouverture, un propos qui interroge, qui stimule et inspire plutôt qu'il ne verrouille (n'est-ce pas là, plutôt que le rêve du contrôle, la véritable sagesse ?).
D'un auteur qui a marqué le coaching en France au cours des trente dernières années, j'attendais sans doute une réflexion sur l’influence, mais étrangement je ne crois pas avoir croisé ce mot dans le texte (j'ai pu me tromper). Bref, je suis resté sur ma faim.
L'ouvrage se boucle dans les dernières page sur un coming-out chrétien.
L'auteur en vient à affirmer "la parenté entre l'attitude du dirigeant ou du créateur d'entreprise, osant prendre tous les risques parce qu'il croit à un projet qui le dépasse, et celle d'un Saint-Jean de la Croix traversant l'expérience mystique de la "Nuit obscure"...
Bon. Pourquoi pas ? Peut-être cette foi aurait-elle pu être le vrai sujet du livre, qui se serait alors plus justement intitulé "la mystique du coach". Ça aurait été une intéressante prise de risque.