Le temps du #déconfinement qui s'annonce sera le temps du "faire avec". Pour l'instant, bon gré mal gré, sur injonction (raisonnable) des autorités politiques et médicales, nous nous sommes appliqués à "faire sans". Sans proximité sociale, sans rencontres, sans postillons, sans métro, sans réunions, sans fêtes, donc - supposément - sans virus. Ce n'était pas forcément facile, mais au moins la consigne était simple. Binaire. La frontière nette, et la ligne claire.
Nous entrons désormais dans le temps d'une contrainte beaucoup plus subtile et complexe, l’apprentissage d’une nouvelle normalité, on pourrait dire une « normalité anormale ». Reprendre nos activités habituelles, refaire ce que nous faisions avant, mais différemment parce que le #covid19, qui se moque de nos états d'urgence et de non-urgence, continuera de circuler après le 11 mai, et en juin, et en septembre, et plus tard encore. Cet apprentissage, nous aurons à le faire dans un épais brouillard d’incertitude. Il nous faudra découvrir comment vivre et travailler avec dans les parages notre hôte invisible, la contagion, la maladie.
Or je songeais que cette pratique - faire avec - est la base de tout changement. Elle en est le socle profond. Sa condition initiale.
Car changer, ce n'est pas comme on le croit parfois se projeter dans un futur désiré, hors-sol, un pur acte d'imagination et de volonté. Les choses ne se passent pas comme cela dans la vie. Il n’y a de changement que par le mouvement, et il n’y a pas de mouvement possible sans une prise d’appui.
Pour faire le geste qui inventera demain, il faut avoir accueilli la situation du moment, son inconfort, parfois le malaise ou la souffrance qui s’y attachent, s’y être, en somme, tout à fait installé. Il n’y a pas d’autre manière de prendre appui que de laisser de côté notre plainte (même si elle nous tient chaud) pour se rendre tout entier présent à la réalité de notre vie à l’instant t - et même, et surtout, si notre vie à cet instant nous pèse ou n’est pas celle que nous voudrions qu’elle soit.
Même s’il est provoqué par des circonstances extérieures que l’on n’a pas choisies, l’acte de changer ne vient que de soi. Pas de notre pensée, mais du corps tout entier.
Faire avec, c'est accepter ce qui arrive, tout simplement parce que c’est là. C’est reconnaître qu’on ne lance de pont vers le futur qu’à partir du réel du moment présent. Cette réalité est notre point de départ. S’y installer, s’y enraciner, l’accueillir, tel est le premier geste de force que nous pouvons faire. Cela seul donnera à notre désir de changement l’énergie qu’il demande.