Me trotte dans la tête cette phrase de George Sand, dans une lettre à Flaubert : « Le jour où j'ai résolument enterré ma jeunesse, j'ai rajeuni de vingt ans. »
Nous nous accomplissons dans les âges de la vie par ajout et décantation - mais surtout par soustraction de l'inutile, de l'encombrant, du déjà-vu, comme le sculpteur, opérant dans le bloc de matière brute, retranche de celui-ci des fragments, des éclats, jusqu’au dégagement d’une nouvelle forme. Les changements sont toujours des moments où quelque chose tombe : une croyance, une certitude, une certaine façon de regarder la vie, une manière de répéter les choses, de retomber dans certains scénarios connus. Parfois ce sont aussi des manières d’être avec les autres qui disparaissent ou se transforment. Des besoins que l'on se découvre ne plus avoir. Des envies, des désirs, qui cessent de nous aiguillonner, des jouissances qui ont perdu leur charme ou dont la poursuite semble vaine désormais. Comme une vieille peau de serpent au moment de la mue, nous abandonnons derrière nous des idées fixes, des projets accomplis ou dépassés. Quelque chose disparaît, se détache, et par là même un paysage se révèle différent. La vie procède en chemin inverse de l’oeuvre de l’artiste qui charge sa toile de couleurs. Avec l’âge qui désencombre nous nous dégageons des artifices pour aller vers la simplicité, retrouver le trait de structure et la force contenue dans l’esquisse.