"Ça va bien se passer, Madame"

Mépriser la réalité ne suffira pas à la faire rentrer dans les clous

On se souvient peut-être de cette phrase prononcée par le ministre Darmanin, lors d’une interview avec la journaliste Apolline de Malherbe sur BFMTV (on en avait parlé alors, parce qu'elle avait eu le cran de ne pas laisser passer l’affront sans réagir).

Elle me revient, cette phrase, parce que c’est exactement celle que répètent les climato-rassuristes et les techno-solutionnistes de toute farine.

Le climat se dérègle, les forêts se consument, les cycles de l'eau sont gravement perturbés, l'homme continue d'exterminer la biodiversité et d'injecter des tonnes de carbone dans l'atmosphère ? Pas de problème ! Ça va bien se passer.

Ça va bien se passer, messieurs dames. On ira sur Mars, on aura des voitures électriques de luxe, on va faire du "développement durable" et de la "Green IT", du "biocarburant" et de l'avion vert. C'est sans danger. Tout changera, mais pour vous, rien ne changera. Vous devrez simplement prendre des douches plutôt que des bains, et éteindre les lumière. Faites-nous confiance, on assure. Rendormez-vous svp.

La fiction est en train de se fissurer sous les assauts du réel.

Est-ce que ça va bien se passer ? Cette phrase résume la vision fantaisiste (ou simplement cynique) d’un grand nombre de décideurs économiques et politiques, depuis trop longtemps. Elle est un symptôme. Elle dit : circulez, y a rien à voir, on s'en occupe, laissez faire les grandes personnes. Une forme de paternalisme irresponsable érigé en mode de gouvernement (et à quoi on s'est habitué depuis le temps, vous me direz) quand nous aurions besoin de courage, d’humilité, pour inventer collectivement un faire société qui permette de s’adapter à une situation dangereuse et inédite.

Le problème de ce discours qui cherche à infantiliser pour assurer une domination, c'est qu'il est tenu par des gens qui n'ont aucune idée de ce dont ils parlent, mais qui croient qu'il savent. Le danger, depuis toujours, vient des gens qui méconnaissent leur propre ignorance. Que leurs certitudes empêchent de réfléchir.

“Ça va bien se passer”, c'est l'inconscient du pouvoir pour qui, surtout, rien de doit changer, et qui défend son territoire, crispé sur ses leviers traditionnels. Sans imagination. Qui pense “rustine” quand il faudrait changer de modèle. Incapable d'envisager le monde qui vient. Sourd aux alertes de la science, et à ce qui relève aujourd'hui du simple bon sens.

"Ça va bien se passer", disent-ils. On aimerait le croire.